L’Autorité de Régulation des Transports publie le 16 Février 2022 une étude sur l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs et formule 39 recommandations pour une ouverture à la concurrence réussie, au bénéfice des usagers. L’étude a été établie à partir de diagnostics issus d’observations des marchés de transport ferroviaire et des conditions d’accès aux infrastructures du système ferroviaire et d’écoute des acteurs concernés. Son objectif est d’assurer un usage optimal des infrastructures de transport, de faciliter l’accès au système ferroviaire français aux nouveaux entrants et de garantir une transmission transparente et équitable des données essentielles à l’attribution des services.
Alenium Consultants propose une synthèse comportant des éléments d’éclairage de l’étude sur l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire des voyageurs en France.
En juin 2018, le pacte ferroviaire a adopté la libéralisation progressive des services domestiques de transport ferroviaire de voyageurs pour plusieurs objectifs dont : conduire à une croissance durable de l’offre et de la demande du transport ferroviaire, améliorer la qualité de service et le développement d’innovations au bénéfice des usagers et accroître la productivité des acteurs ferroviaires. Aujourd’hui, de nombreuses difficultés se heurtent à la réussite de l’ouverture à la concurrence des services domestiques de transport ferroviaire de voyageurs. L’ART propose ainsi des recommandations pour apporter une réponse à la problématique de cette réussite.
1. Malgré la libéralisation tardive du marché de transport ferroviaire domestique de voyageurs en France, le système ferroviaire français suscite un fort intérêt
Les retours d’expérience des pays européens ayant adopté la libéralisation de leurs systèmes ferroviaires de transports de voyageurs de longue date montrent que l’ouverture à la concurrence est un levier majeur de développement et de dynamisation du transport ferroviaire de voyageurs au bénéfice de toutes les parties prenantes. Trois grands enseignements peuvent être conclus de ces expériences :
L’ouverture à la concurrence des services librement organisés et des services conventionnés de transport ferroviaire des voyageurs en France s’effectue en deux temps :
Le système ferroviaire français présente plusieurs facteurs d’attractivité favorisant l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs. Comptant 28100 kilomètres de lignes et 2600 kilomètres de lignes à grande vitesse, le réseau ferroviaire français est le 2e réseau le plus important d’Europe. Son maillage géographique et sa position centrale en Europe lui confèrent des atouts pour l’exploitation de services de transport de voyageurs. Néanmoins, certains facteurs appellent au développement du système ferroviaire français, notamment en termes des circulations quotidiennes de trains de voyageurs et de l’hétérogénéité remarquable pouvant être expliquée par des fréquences de voyages différentes entre la région Île-de-France et les autres régions :
De plus, la part modale du transport ferroviaire du marché français plafonne depuis des années à 10% avec l’emport moyen des trains le plus élevé d’Europe.
Sur les marchés conventionnés comme sur les marchés librement organisés, l’intérêt pour répondre aux appels d’offres et les intentions d’exploitation ont été manifestés tant par de nouveaux entrants que par l’opérateur historique. Depuis 2019, six opérateurs ferroviaires dont cinq nouveaux ont notifié à l’ART l’intention d’exploiter trente-huit nouveaux SLO et au moins trois opérateurs ferroviaires alternatifs additionnels envisagent de se positionner sur les services conventionnés.
2. La réussite du processus de l’ouverture à la concurrence du système ferroviaire est conditionnée par l’accès aux infrastructures essentielles dont les conditions doivent être améliorées
L’accès aux infrastructures essentielles constitue le socle d’une libéralisation réussie des services de transport de voyageurs. Les conditions d’accès tarifaires au réseau et aux installations, les conditions opérationnelles et la gouvernance relative à la gestion déterminent la performance du système ferroviaire et instaurent un cadre propice à l’ouverture à la concurrence.
2.1. Conditions d'accès tarifaires
En premier lieu, il s’agit de renforcer l’efficacité des signaux économiques donnés par la tarification de l’accès au réseau ferroviaire. Pour l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire, les opérateurs versent des redevances d’infrastructures aux gestionnaires. Le cadre européen pour la tarification prévoit l’application d’un régime général et d’un régime d’exception :
Les redevances d’accès à l’infrastructure ferroviaire sont significativement plus élevées que dans d’autres pays européens et représentent un enjeu stratégique pour l’accès au système ferroviaire pour les opérateurs de service. Il est donc essentiel d’une part, d’améliorer la structure des redevances d’utilisation du réseau ferroviaire en cohérence avec les objectifs de maintien et de développement de l’infrastructure, et d’autre part, d’assurer un accès effectif et économiquement viable aux opérateurs de service.
De même, les conditions tarifaires de l’accès aux installations de service nécessitent des améliorations afin d’assurer un accès transparent, équitable et objectif aux opérateurs de service. En effet, la structure tarifaire des gares de voyageurs n’est pas adaptée aux spécificités des gares car elle ne tient pas compte des prestations effectivement fournies en gares et des parties fixe et variable des coûts composant ces prestations. De même pour l’accès aux installations d’entretien des matériels roulants, la structure et les niveaux de tarifs ne répondent pas efficacement aux besoins des entreprises et ne permettent pas un usage optimal de ces installations car ils ne justifient pas de l’usage effectif des installations. Il convient donc d’améliorer les conditions d’accès aux gares en instaurant un système de tarification adapté aux prestations et offrant davantage de prévisibilité aux entreprises ferroviaires. Aussi, l’accès tarifaire aux installations d’entretien des matériels roulants et aux services qui y sont fournis doivent offrir des menus tarifaires adaptés afin de tenir compte des besoins des entreprises.
L’Autorité formule ainsi six recommandations relatives à la tarification de l’accès et l’utilisation de l’infrastructure et des installations de service regroupées selon les points suivants :
2.2. Conditions opérationnelles
En deuxième lieu, la performance du système ferroviaire est conditionnée par un accès opérationnel transparent et optimisé aux opérateurs ferroviaires. Malgré l’amélioration des conditions d’accès opérationnelles aux installations de service ferroviaires ces dernières années, elles présentent encore aujourd’hui un parcours compliqué et manquent de transparence et d’efficacité :
L’Autorité de Régulation des Transports formule ainsi huit recommandations afin d’assurer un accès opérationnel transparent, équitable et non discriminatoire à l’utilisation du réseau ferroviaire et aux installations de service. Ces recommandations sont regroupées selon les actions suivantes :
2.3. Gouvernance et cadre stratégique de la gestion des infrastructures
En troisième lieu, la gouvernance et le système de gestion actuelle de l’infrastructure ferroviaire et des gares doivent être améliorés, notamment au niveau de l’indépendance des gestionnaires et de l’absence d’un cadre stratégique clair définissant leurs objectifs de performances :
Ainsi, l’ART formule plusieurs recommandations afin d’améliorer les conditions d’indépendance des gestionnaires :
3. Les Autorités Organisatrices de Transport sont invitées à monter en compétences afin de piloter efficacement les conventions
L’ouverture à la concurrence des transports ferroviaires est désormais en marche. Le rythme et l’engagement dans la mise en concurrence des services conventionnés diffèrent d’une AOT à une autre. Alors que les Régions Sud PACA, Hauts-de-France, Grand-Est, Pays de la Loire, Bourgogne Franche Comté et Île-de-France ont lancé ou se préparent à lancer leurs premiers appels d’offre, d’autres régions comme les régions Auvergne Rhône-Alpes et Normandie n’ont pas encore communiqué leurs calendriers d’ouverture à la concurrence.
La libéralisation des services conventionnés permet le transfert de la gestion de certains segments de l’infrastructure ferroviaire et de certaines gares de voyageurs aux AOT pour une gestion plus adaptée aux spécificités et besoins et pour une optimisation des coûts. Toutefois, ce transfert se heurte à plusieurs difficultés. En particulier, la complexité des dispositifs de transfert en matière de modalités contractuelles et le manque de précision quant aux obligations et responsabilités de gestion sont des risques majeurs pouvant entraver la performance du système.
A la suite de cela, l’ART formule plusieurs recommandations dont :
Par ailleurs, il est essentiel de rendre accessibles les données nécessaires, détenues par les acteurs historiques, pour décrire et dimensionner les missions qui pourraient être confiées aux nouveaux entrants afin d’assurer une ouverture à la concurrence réussie. Aujourd’hui, les AOT rencontrent encore des difficultés quant à l’accès et la communication de ces données. Ces obstacles sont essentiellement dus à un manque de clarification de la procédure, des outils d’accès inadaptés et à la complexité de la procédure de règlement de différend. Ainsi, l’ART recommande de :
Enfin, les AOT doivent monter en compétences afin de piloter efficacement les conventions face aux multiples enjeux de l’ouverture à la concurrence. En recrutant des spécialistes et des experts techniques et juridiques, ce développement de compétences doit concerner tous les aspects de la convention, notamment :
Les expériences européennes de libéralisation des services conventionnés montrent que le processus de montée en compétence peut être long et difficile à pérenniser. Néanmoins, elles permettent de retenir quelques enseignements :
4. Des services librement organisés attractifs, mais des freins restent à lever
De nombreux exploitants ferroviaires ont notifié l’ART de leur intention d’exploitation de services librement organisés (SLO) de transport ferroviaire de voyageurs. Ceci montre l’intérêt suscité par le marché français sur les lignes à grande vitesse, classiques, les services de nuit et les services internationaux.
Malgré l’attractivité des lignes à grande vitesse françaises, l’entrée sur leur marché de SLO se heurte à cinq freins majeurs d’ordres techniques et financiers :
Devant ces barrières techniques et financières, l’ART formule plusieurs recommandations dont :
Semblablement au marché des lignes à grande vitesse, l’entrée au marché SLO des lignes classiques présente les mêmes freins aux nouveaux opérateurs. Des efforts doivent être déployés pour la réussite du développement des SLO sur les lignes classiques, dont :