Vers un nouveau modèle des transports de voyageurs : et si on recentrait le débat sur les 1ers nommés ?

Qu’il s’agisse des services de courtes distances (réseaux urbains, périurbains et/ou ruraux) ou de moyenne et longue distance (cars, trains, TGV), le modèle économique du transport de personnes est à bout de souffle... Au-delà des difficultés relationnelles entre les différents acteurs (autorités organisatrices, acteurs non institutionnels), un recentrage effectif autour du voyageur constituerait une vraie voie d'amélioration et de progrès.

Un modèle économique fragilisé, des pistes d'optimisation identifiées

Ce n’est bien sûr pas un scoop : qu’il s’agisse des services de courtes distances (réseaux urbains, périurbains et/ou ruraux) ou de moyenne et longue distance (généralement dispensés par des cars ou des trains, à grande vitesse ou non), le modèle économique du transport de personnes est à bout de souffle.

  • En 2015, la Cour des comptes soulignait dans son rapport annuel que la facturation du service à l’usager dans les transports urbains était réduite à portion congrue : le taux de couverture moyen des dépenses d’exploitation par les recettes voyageurs ne s’élevait plus qu’à 28,6%, soit une chute de sept points en dix ans. A l’heure actuelle, ce taux s’élève à environ 26% pour le TER. Concernant le TGV, les ventes de billets couvrent environ 25% du prix d’une ligne nouvelle.
  • En urbain, le versement transport (VT) représente aujourd’hui près de la moitié du financement des réseaux, investissements inclus. Pour autant, il ne suffit pas à couvrir les charges restantes après déduction des recettes tarifaires. Il est par ailleurs prélevé à son taux plafond dans la majorité des autorités organisatrices urbaines. Ainsi, en complément, les collectivités mettent largement la main à la poche.
  • Si deux lignes TGV ont été inaugurées le 1er week-end de juillet 2017, l’avenir de ce modèle est obscur, notamment en raison de son coût élevé. En termes d’investissement, 1 kilomètre de ligne TGV coûte environ 30 millions d’euros. Pour financer ces deux lignes TGV, il a d’ailleurs été fait appel, et ce pour la première fois, au secteur privé : concession dans le cas de Paris-Bordeaux, partenariat public-privé dans le cas de Paris-Rennes.

Etat, Régions, autorités organisatrices de la mobilité urbaine, les organisateurs-financeurs s’accordent sur la nécessité de faire différemment. Dans son rapport annuel de 2015, la Cour des comptes avait identifié des pistes d’optimisation pour le transport urbain parmi lesquelles :

  • la recherche d’une meilleure efficience commerciale : « optimiser le service en répondant à la demande de mobilité de la population, à un coût raisonnable pour la collectivité ;
  • l’amélioration de l’attractivité commerciale des transports collectifs par rapport à la voiture particulière afin de favoriser le report modal ;
  • l’augmentation des recettes commerciales ;
  • l’exploitation des marges de productivité, tant celles liées aux personnels (organisation du temps de travail, réduction de l’absentéisme…), que celles liées aux matériels (achats groupés…). La piste est d’ailleurs valable pour le train, par exemple dans le cadre des négociations de conventions entre les Régions et la SNCF.

En outre, l’ouverture prochaine à la concurrence dans le ferroviaire constitue un autre levier pour diminuer le coût du transport… À condition d’être pertinemment orchestrée (allotissements, etc.)... Même si chacun sait que cela ne suffira pas, et qu’il faut faire évoluer le modèle en profondeur.

Autorités organisatrices et nouveaux acteurs de la mobilité : je t’aime moi non plus

Le paysage des acteurs du transport a fortement évolué ces dernières années. Aux côtés des acteurs historiques que sont en premier lieu les autorités organisatrices, les exploitants et les gestionnaires de réseaux, de nouveaux acteurs, privés pour la plupart, prennent une importance croissante dans la dispense de l’offre de mobilité :

  • Acteurs non institutionnels, dispensant des services tels que des liaisons car longue distance : (« Cars Macron » tels que Flixbus, Ouibus, Isilines), du covoiturage sur réservation, longue ou courte distance (Blablacar), du covoiturage dynamique (OuiHop, Bonus Drive, Karos ou encore Boogi), du covoiturage quotidien (ID Vroom, WayzUp), de l’autopartage (Drivy), sans oublier les VTC ni les services facilitant le stationnement tels que Parking-Facile, Qucit, Prendsmaplace, Zenpark.
  • Ceux qui mettent au point des interfaces délivrant de l’information sur la mobilité (sur l’offre, les tarifs, la disponibilité des modes, la congestion etc.) le temps et les parcours les plus rapides tels que Citymapper ou Moovit, Waze, ou encore des services d’achat de titres en ligne comme Trainline.

Souvent considérés de prime abord comme des concurrents par les acteurs publics, ces nouveaux acteurs le sont de plus en plus comme des partenaires. Ainsi, la maîtrise de la donnée constitue le point central du plan d’actions pour les services numériques aux voyageurs d’Île-de-France Mobilités : pour l’autorité organisatrice, l’enjeu n’est pas d’être la seule entité légitime et compétente pour informer et offrir des services, mais de maîtriser cette donnée pour à la fois proposer des services en tant qu’autorité organisatrice et mettre à la disposition d’autres acteurs des jeux de données de qualité afin qu’ils proposent des services différents, souvent complémentaires, souvent innovants… et préférés aux services d’IDF Mobilités par une partie des voyageurs.

Aujourd'hui encore, les relations restent compliquées entre autorités organisatrices et acteurs privés :

  • De nombreux départements ou régions ont lancé leur propre site de covoiturage pour proposer une alternative à Blablacar.
  • Les liaisons « Cars Macron » suscitent régulièrement des levées de bouclier d’autorités organisatrices régionales. Et pour cause, parmi les passagers de ces cars, 37% se sont détournés du train (dont 24% du TGV), principalement en raison de la différence de prix.
  • Dans bon nombre de cahiers des charges pour des études de planification de la mobilité, ces acteurs sont d’ailleurs absents, car ne relevant pas de la compétence des autorités organisatrices.

Les offres dispensées par ces opérateurs / acteurs sont rarement considérées comme faisant partie intégrante des offres régionales… alors qu’il s’agit dans les faits de services dispensés sur le territoire régional. Du point de vue du voyageur, un service intégré à cette échelle (offre de transport, information, grille tarifaire et vente de titres) serait pourtant fort appréciable…

Cependant, et nous le constatons au quotidien dans le cadre de nos missions, les choses évoluent. En ce moment, les Régions élaborent leur SRADDET, la plupart du temps dans une logique de co-construction multi-partenariale que nous accompagnons et encourageons . Des partenaires au sens large sont ainsi conviés pour participer à l’élaboration des stratégies, tels que des exploitants de liaisons « Cars Macron » ou des acteurs du covoiturage.

Les discussions sont donc souvent engagées entre les autorités organisatrices et les acteurs non institutionnels dispensant des services de mobilité (exploitants de liaisons « Car Macron », acteurs du covoiturage…). L’entente est généralement cordiale… Même si les perspectives restent encore limitées.

Et maintenant que fait-on ?

Et si l’on recentrait le débat sur le premier concerné : le voyageur ?

Si les actions des autorités organisatrices et acteurs privés relèvent de logiques distinctes (l’autorité organisatrice a un objectif de service, d’intérêt général, tout en maîtrisant les coûts tandis que l'opérateur privé a un objectif de rentabilité, en dispensant un service)... Tous deux ont un intérêt commun : celui de proposer un service attractif pour les voyageurs. Dès lors, comment agir dans une logique de complémentarité ?

Les autorités organisatrices œuvrent au quotidien pour répondre aux besoins des voyageurs. Mais en séparant offre publique et offre privée, peuvent-elles vraiment viser juste ?

Le voyageur se moque de savoir qui fait quoi, et comment il s’y prend. Lui plébiscite un service unique, simple à comprendre, facile à utiliser, juste, et qui répond à ses besoins de mobilité, variés, tantôt de courte distance, tantôt de longue distance.

Du point de vue du voyageur, quel positionnement devrait adopter une autorité régulatrice ?

Quel est le domaine de pertinence de l’offre organisée par une région ? Et si les régions se désengageaient de certaines liaisons desservies par les acteurs privés, au profit d’autres liaisons ? Et si le rôle d’organisateur et de chef de file de la région couvrait l’intégration (information, vente de billets) d’offres privées ? Comment s’appuyer judicieusement sur les nouveaux acteurs dispensant des services de mobilité dans la perspective d’un service régional au sens géographique du terme ? Quels nouveaux modes de collaboration seraient à inventer ?

En sus, l’intégration des offres privées dans le service régional ne pourrait-elle pas donner un souffle nouveau au modèle économique du transport de voyageurs ?


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