IA et cybersécurité, vers un nouvel écosystème de confiance dans les mobilités
Ce mardi 30 septembre s’est tenue une conférence autour des enjeux d’IA et de cybersécurité dans les transports, organisée par VRT. L’intelligence artificielle s’invite de plus en plus dans le secteur des transports, mais son usage reste encore en construction. De la planification des trafics à la lutte contre la fraude documentaire, en passant par la cybersécurité et la qualité des données, les acteurs réunis lors de cette rencontre ont dressé un panorama riche des opportunités mais aussi des limites actuelles de l’IA. Retours sur les échanges des 4 intervenants :
Des cas d’usage concrets, mais encore en maturation
Jean Seng (DGITM) a rappelé d’emblée que l’IA ne résoudra pas tous les problèmes : elle doit être pensée autour de cas d’usages utiles et pragmatiques. L’Union des Transports Publics (UTP) a ainsi identifié des champs prioritaires : aide à l’exploitation, comptage, maintenance, sécurité et sûreté.
De son côté, Jean-Claude Lebreton (Siemens) a insisté sur la nécessité d’intégrer l’IA dans les processus métiers pour réellement créer de la valeur, alors que les gains de productivité promis initialement (10-15 %) ne se concrétisent pas encore.
Gouvernance, données et confiance : les enjeux d’interopérabilité
Pour Mélanie Vessier (Eona-X), la donnée reste le nerf de la guerre. L’association, créée par des acteurs du transport et du tourisme, œuvre pour un partage sécurisé et décentralisé des informations. « 80 % des données sont privées, enfermées et inaccessibles. Comment les ouvrir sans qu’elles ne profitent uniquement aux Big Tech ? » interroge-t-elle.
Le Data Act européen donne un cadre réglementaire et les espaces de données (data spaces) ouvrent une voie : un système où les informations restent chez les partenaires, accessibles selon leurs propres modalités, garantissant confiance et valeur partagée.
IA et lutte contre la fraude documentaire
Benjamin Maillard (Comutitres) a présenté l’ampleur de la fraude liée aux justificatifs falsifiés dans l’accès aux droits dsur des titres de transport. Avec près de 80 000 faux documents identifiés, le préjudice est estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros.
Grâce à des algorithmes capables d’analyser polices de caractère, pixels et visages, il devient possible de repérer des documents contrefaits en temps réel lors des parcours de souscription, et d’empêcher l’octroi abusif de droits. Une avancée stratégique face à des fraudeurs très bien équipés.
Cybersécurité : un impératif indissociable de l’IA
L’IA et la cybersécurité forment un couple indissociable. Dans le cadre spécifique des systèmes d’exploitation de transport, Siemens a rappelé l’importance de systèmes conformes aux exigences de la loi de programmation militaire : administration des accès, traçabilité des accès via l’émission de journaux de contrôle, contrôle des accès et défense en profondeur des systèmes.
Eona-X a insisté sur la maîtrise des API (limiter leur nombre) et des flux de données, tandis que Comutitres est revenu sur une approche originale qui a consisté à jouer le rôle du fraudeur : en achetant volontairement de faux titres de transport sur des plateformes illégales, l’équipe a pu cartographier les parcours de fraude et renforcer la fermeture des « portes » exploitées par les cybercriminels.
Nouvelles perspectives et impacts
Un autre thème fort a été celui de l’IA agentique, c’est-à-dire des systèmes capables de planifier et d’agir de façon autonome dans un cadre défini. Contrairement aux IA génératives, ces agents ne se contentent pas d’analyser des données : ils dialoguent entre eux pour atteindre un objectif commun. Parmi les expérimentations prometteuses :
Néanmoins, les intervenants rappellent que l’IA agentique ne remplacera pas les humains dans les niveaux de traitement les plus complexes : elle doit rester un support et non un substitut.
Mais ces avancées ne doivent pas occulter les enjeux sociaux et environnementaux. Le coût énergétique des IA est colossal : 500 tonnes de CO₂ pour un modèle comme GPT-3, selon les chiffres cités. Une frugalité numérique est donc indispensable, appuyée par des référentiels tels que celui publié par le CGEDD/Ecolab.
Conclusion : construire un cadre de confiance
La rencontre a montré un consensus clair : IA et cybersécurité doivent avancer main dans la main. Les cas d’usage concrets se multiplient – lutte contre la fraude, optimisation des parcours, assistants intelligents – mais leur succès repose sur trois piliers : la qualité des données, un cadre de confiance et une cybersécurité robuste.
Comme l’a rappelé le président d’Hitachi France, la compétition industrielle et internationale impose désormais une mobilisation collective. Seule une coalition d’acteurs – publics, privés, nationaux et internationaux – permettra de construire un écosystème durable et souverain.