Si la décision de mettre un projet en pause n’est pas facile à prendre, le processus de reprise de celui-ci n’est parfois pas évident non plus : dans le cas de la crise du COVID-19, c’est potentiellement dans un monde nouveau et différent que cette relance aura lieu. Il est important d'envisager la reprise comme un levier de renouveau.
Que l’on travaille dans le secteur de l’industrie, des services ou des institutions publiques, il n’a parfois pas été possible de poursuivre un projet lors d’une crise. En règle générale, lorsqu’un tel évènement se produit, qu’il s’agisse d’un obstacle conjoncturel ou bien d’un élément interne à l’entreprise, il est d’abord essentiel de bien cibler quels ont été les facteurs à l’origine de cette interruption de projet.
Dans le cas du COVID-19, il peut paraître évident que le lockdown international en a été la source. Or, même s’il s’agit du facteur déclenchant, la véritable cause profonde peut se trouver ailleurs. En effet, certaines entreprises ont été capables de poursuivre leurs projets grâce à un aménagement des conditions de travail et une capacité à être flexible plus importante. Il est donc important de se poser certaines questions pour bien identifier les causes de cette interruption, comme par exemples :
Si à son démarrage, le projet a été cadré correctement, les risques ont été dans un premier temps listés et analysés de la manière la plus exhaustive possible dans un but préventif. Seulement, certains ont découvert à travers la crise du COVID certaines faiblesses qu’ils ne pensaient pas avoir : c’est là que l’étape de rétrospective est cruciale, pour ne pas reporter entièrement la faute sur une cause extérieure que l’on pense immaitrisable car supérieure à nous. Une fois ces risques détectés, il est important de garder en tête que peu importe l’élément déclencheur, celui-ci pourra se reproduire à l’avenir.
C’est à cet instant que la capacité d’innovation et de souplesse d’une entreprise à l’origine d’un projet sera mise à l’épreuve : lorsque la reprise du projet sera possible, il ne faudra surtout pas appréhender les choses comme si rien n’avait changé, car ce n’est pas le cas. Non seulement les équipes n’ont pas été sollicitées pendant un certain temps et vont nécessiter un temps d’adaptation, mais aussi, la confiance devra être restaurée. Pour cela, il faut nécessairement prendre des mesures qui montrent que l’on prend au sérieux les possibles obstacles auxquels le projet sera peut-être confronté à nouveau.
Les réponses apportées doivent être proportionnelles et en adéquation avec la cause initiale de l’interruption, mais quoi qu’il en soit, il est important de redonner du sens au projet : c’est le rôle du sponsor et du directeur de projet. Ils doivent insuffler une nouvelle dynamique à cette reprise, pour qu’elle ne soit pas vaine. Cela passe notamment par le fait de voir cette interruption et cette reprise comme un levier d’amélioration plutôt qu’un.
Suite à un diagnostic holistique et factuel de l’état du projet et à l’estimation des reprévisions d’atterrissage du projet, les possibilités de réinvention du projet sont nombreuses :
Reprendre un projet permet aussi de renouer des liens forts avec le client et le sponsor du projet : cela peut être l’occasion de faire un diagnostic responsable, approfondi et en toute transparence des situations passée / actuelle / à venir, d’assouplir certains termes du contrat, d’ajuster les modalités de gouvernance et de reporting (un jalonnement resserré est souvent mis en œuvre au redémarrage), de laisser le client s’exprimer sur ce qu’il aimerait apporter au projet (la période d’arrêt a peut-être permis au client de monter en maturité sur son « vrai » besoin), d’analyser son état d’esprit afin de voir s’il est prêt à s’investir fortement dans la reprise…
Pour une reprise réussie, il est également souhaitable de capitaliser sur l’expérience pour définir un plan de bataille prenant en compte les points forts et les points faibles du dispositif projet sur l’ensemble des dimensions (culture, organisation, processus, méthodes, outils,…). Ce plan sera partagé avec l’ensemble des parties prenantes lors d’un kick-off meeting de reprise, véritable évènement catalyseur de remobilisation des équipes.
La phase de reprise du projet devrait être considérée comme une opportunité, celle de revoir les fondations du projet (finalement, il s’agit bien souvent d’un « nouveau » projet), de réaligner davantage le projet sur la stratégie de l’entreprise afin d’apporter plus de valeur, de rééquilibrer les contraintes tout au long de la chaîne de valeur, de renforcer la confiance au sein du collectif projet, de refédérer les parties prenantes autour d’une vision projet claire et ambitieuse, tout en s’appuyant sur un socle de valeurs partagées. Pour réussir ce challenge, il est important de mettre l’équipe projet au centre de la stratégie et du plan de relance.
D’autre part, il ne faut pas oublier que ces virages sont parfois nécessaires pour rester en phase avec le monde d’après, et qu’ils doivent être anticipés le plus en amont possible.
Enfin, une autre décision collégiale tout aussi courageuse que celle de reprendre le projet peut être prise : arrêter le projet, plutôt que de le laisser s’enliser davantage : faire moins de projets pour mieux les réussir et pour, au final, avoir la capacité d’en faire davantage !
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