Ouverture à la concurrence, le changement c'est maintenant !

Retours sur les échanges de la conférence « Ferro-cités » du 10 décembre 2026

La conférence Ferro-cités, organisée le 10 décembre 2026, a réuni l’ensemble des acteurs qui façonnent aujourd’hui le paysage ferroviaire régional : autorités organisatrices, opérateurs historiques ou alternatifs, régulateur et représentants des usagers. Tous sont venus dresser un état des lieux sincère de la mise en concurrence des services TER, un processus désormais irréversible mais dont l’ampleur révèle chaque jour de nouveaux défis.
Parmi les intervenants figuraient :

  • Jean-Pierre Serrus, vice-président délégué aux Transports de la Région Sud,
  • Thierry Guimbaud, directeur général de l’Autorité de régulation des transports (ART),
  • Scheherazade Zekri, directrice de la Stratégie Appels d’offres et Nouvelle mobilités SNCF Voyageurs,
  • Édouard Hénaut, directeur général de Transdev,
  • François Deletraz, président de la FNAUT,
  • Patricia Pérennes du cabinet Trans-Mission.


Leurs prises de parole ont permis de dégager plusieurs thématiques essentielles que nous développons ci-dessous.

1. Les Régions comme nouveaux “patrons d’industrie”

L’ouverture à la concurrence a profondément redistribué les responsabilités au sein du système ferroviaire. Les Régions, désormais autorités organisatrices de plein exercice, se retrouvent à jouer un rôle central dans la définition des stratégies, l’organisation des services et la construction des marchés.
La Région Sud, première à avoir attribué des lots dès 2021, illustre cette transformation. Comme l’a expliqué Jean-Pierre Serrus, la démarche n’a jamais été idéologique mais résolument pragmatique. Le ferroviaire étant considéré comme la colonne vertébrale de la mobilité régionale, la mise en concurrence a été perçue non comme une rupture, mais comme un moyen d’améliorer la qualité et l’offre de transport.
Cette démarche repose sur une anticipation: des équipes dédiées ont été créées dès 2016, les outils internes ont été progressivement structurés, et la Région a été l’une des premières à engager massivement des investissements dans le matériel roulant et les infrastructures de maintenance.
Toutefois, ce rôle renforcé s’accompagne de défis réels, en particulier dans le domaine de la billettique et de la distribution, où l’unification des systèmes reste complexe dans un territoire comptant plusieurs dizaines d’opérateurs (bus et fer). L’enjeu est désormais de garantir une cohérence d’ensemble qui soit perceptible pour l’usager.

2. Un cadre réglementaire stable mais des échéances vertigineuses

Le rappel le plus marquant du régulateur porte sur le cadre juridique général. Le 4ᵉ paquet ferroviaire impose une mise en concurrence complète des services régionaux d’ici 2033. Pour Thierry Guimbaud, ce calendrier est intangible : il n’y aura ni report, ni dérogations aisées. Cette perspective est à la fois stimulante et inquiétante, car elle implique de traiter un volume considérable de procédures d’ici l’échéance. Nous sommes « au milieu du gué ».

À ce jour, plus de quarante appels d’offre devront être lancés pour tenir l’échéance de 2033 soit environ 8 par an. Or, les capacités opérationnelles du système ne permettraient, en théorie, que d’en absorber environ la moitié. Cette tension constitue l’une des principales menaces pesant sur l’efficacité et la qualité des futures consultations, et sur la réalité de la mise en concurrence.

L’ART appelle ainsi les Régions à clarifier leurs stratégies et à s’inscrire dans un cadre véritablement industrialisé, condition nécessaire pour garantir la crédibilité des acteurs et de l’ensemble du processus. Cette démarche relève de la responsabilité des autorités organisatrices et de la crédibilité de tous les acteurs du système. Les dérogations seront rarissimes, sur ce point la DG Mouv de la Commission Européenne est très claire.

3. L’évolution des opérateurs : entre réorganisation interne et montée en puissance

Du côté de SNCF Voyageurs, l’ouverture à la concurrence a déclenché une transformation profonde. Avec près de 60 % des trains-kilomètres concernés par des procédures en 2025, l’entreprise a dû revoir son organisation, diversifier ses équipes et renforcer le lien entre échelons locaux et centraux. Cette transition s’accompagne d’un changement structurel : la chaîne de valeur, autrefois intégrée, est aujourd’hui fragmentée. Dans plusieurs Régions, des sociétés publiques locales reprennent la maintenance ou le matériel roulant, ce qui impose la création de nouveaux modes de coopération pour préserver la sécurité, la régularité et la robustesse globale de la production.
La SNCF insiste sur la nécessité de plannings réalistes et de cahiers des charges stabilisés pour permettre un dialogue compétitif efficace. Elle constate des gains économiques significatifs sur certains lots, même si leur pérennité dépendra des périmètres et de la dynamique d’offre souhaitée par les Régions.

Transdev, pour sa part, met à profit son expérience internationale pour accompagner les territoires dans leur transformation. Pour l’entreprise, la concurrence représente une opportunité de démontrer ses savoir-faire, à condition qu’elle soit menée avec prudence. Le ferroviaire reste une industrie lourde, où l’intégration des équipes, la préparation des dépôts, la maintenance ou la structuration des outils numériques nécessitent du temps. Selon Édouard Hénaut, la réussite repose moins sur la rapidité de mise en œuvre que sur la capacité à anticiper les besoins et à créer une organisation solide avant l’entrée en exploitation.

4. L’infrastructure : un goulot d’étranglement à nuancer

Pour la Région Sud comme pour les opérateurs, l’état des infrastructures risque d’entraver l’augmentation d’offre attendue si la “dette grise” n’est pas résorbée rapidement.
Certaines lignes nécessitent des investissements lourds pour être en mesure d’absorber davantage de trains. Tant que le réseau ne sera pas remis à niveau, l’ambition d’un choc d’offre restera difficile à atteindre.

Tout en rappelant que l’ART met clairement en avant depuis de nombreuses années ce besoin de renfort des investissements sur les infrastructures, Thierry Guimbaud souhaite nuancer le propos. Les problèmes d’infrastructures ne doivent pas être mis en avant comme le principal frein à l’ouverture à la concurrence. Le travail sur le projet d’offre dans son ensemble est aussi central que les capacités de l’infrastructures, et une offre dynamique est robuste est une source de revenu majeur pour l’infrastructure ferroviaire. 

5. Un risque de fragmentation/ « archipellisation » : exemple de la distribution et de l’expérience voyageurs

L’un des thèmes majeurs abordés par la FNAUT concerne la place du voyageur dans ce nouveau paysage. L’association, favorable à la concurrence, alerte toutefois sur la fragmentation croissante des pratiques, notamment en matière de distribution.
La multiplication des opérateurs et des systèmes régionaux risque, selon elle, de rendre l’expérience moins lisible pour les usagers si des efforts de coordination ne sont pas entrepris rapidement. Le report modal repose d’abord sur la simplicité d’usage : un système offrant des interfaces multiples, des règles différentes et des modes de prise en charge éclatés pourrait perdre en attractivité malgré une hausse de l’offre.

Le régulateur interroge également la capacité du système à éviter une fragmentation, une « archipellisation » excessive. La multiplication des modèles régionaux, l’absence de standards stabilisés (sur la billettique, le matériel roulant, la maintenance ou les interfaces), et le manque d’alignement entre les calendriers pourraient fragiliser la cohérence nationale.
Pour l’instant, le sujet de la billettique n’est pas totalement stabilisé, même si la Région Sud rappelle avoir attribué une DSP de billettique mais les travaux ont pris du retard. La question reste largement ouverte à l’échelle nationale.

6. L’industrialisation du système : condition incontournable de la réussite

Enfin, plusieurs intervenants ont souligné la nécessité d’une véritable industrialisation des démarches de mise en concurrence. Qu’il s’agisse des procédures d’appels d’offres, de la structuration des équipes, des processus de maintenance, des interfaces opérateurs-AO ou des outils d’information voyageurs, tout doit gagner en standardisation et en efficacité.
Patricia Pérennes insiste sur le fait que de nombreuses difficultés ne se révèlent que lorsqu’on se confronte concrètement aux projets : gestion des compétences, disponibilité des pièces détachées, organisation des responsabilités, contraintes réglementaires ou questions techniques parfois inattendues. L’apprentissage collectif est en cours, mais le système doit encore progresser pour absorber la charge qui l’attend d’ici 2033.

Conclusion : une dynamique prometteuse, mais un équilibre à trouver

Les échanges de cette édition des Ferro-cités montrent que l’ouverture à la concurrence a déjà produit des résultats tangibles. En Région Sud, la régularité dépasse désormais 98 % sur les lignes concernées et la fréquentation progresse. Ces signaux démontrent que le modèle peut fonctionner.
Mais pour réussir pleinement, il devra s’appuyer sur une infrastructure renforcée, une coordination plus étroite entre les Régions, une clarification et une industrialisation des procédures et une priorité donnée à la lisibilité pour les voyageurs. La mise en concurrence ouvre une nouvelle phase du ferroviaire français : la dynamique est très positive, mais le chemin est encore escarpé.


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