GPSEA: s'inscrire dans le management de la confiance

En prenant le relais des intercommunalités existantes, les Établissements publics territoriaux (EPT) redessinent le schéma de l'intercommunalité francilienne. Focus sur le déploiement disruptif de cette nouvelle structure sur le terrain à travers l'exemple de Grand Paris Sud Est Avenir (GPSEA), dont le directeur général a bien voulu répondre à nos questions. Un déploiement qui s'est appuyé sur un mode de fonctionnement faisant la part belle à l'agilité et à une vraie dimension participative…

Contexte

Figurant un système d’intercommunalité inédit en Ile de France, la Métropole du Grand Paris est née le 1er janvier 2016. Créée par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation  des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014 et renforcée par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015 (NOTRe) la Métropole du Grand Paris regroupe 131 communes et près de 7,5 millions d’habitants. C’est un Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) à statut particulier et à fiscalité propre.

Elle est composée de Paris et de 11 Territoires de 300.000 à 700.000 habitants. Les Établissements Publics Territoriaux (EPT) prennent le relais des intercommunalités existantes et intègrent 40 communes qui n’en faisaient pas partie, redessinant le schéma de l’intercommunalité francilienne. Les EPT sont dotés de fiscalité propre pendant 5 ans.

Comment ce mouvement de création des EPT (avec fusion d’anciennes intercommunalités existantes, reprise de leurs compétences et parfois intégration des communes qui ne faisaient partie d’aucune intercommunalité - les communes isolées-) s’est-il engagé et réalisé sur le terrain ? Fabien Tastet, Directeur Général des Services de l’EPT Grand Paris Sud Est Avenir a bien voulu partager avec nous son retour d’expérience sur les enjeux organisationnels de la mise en place de ce vaste territoire qui regroupe 16 communes, 306.000 habitants, et que préside Laurent Cathala, Député Maire de Créteil.

Interview

ALENIUM CONSULTANTS : Bonjour Monsieur Tastet : GPSEA (Grand Paris Sud Est Avenir) est issu de la fusion de 3 intercommunalités et d’une commune isolée. Comment avez-vous abordé la constitution de ce nouveau Territoire au regard de la diversité des intercommunalités fusionnées et des personnels qui en sont issus ?

FABIEN TASTET : Le choix que nous avons fait est centré à la fois sur un timing rapide et sur une démarche participative. Nous avons ainsi été en mesure de délivrer un organigramme effectif des Directions Générales et des Directions avant l’été 2016.

La première grande étape de la structuration de l’EPT est passée par la réussite de la mobilisation des agents. Nous avons ainsi mis en place un système de collecte très ouvert des propositions (urnes, forum de discussions, boite mail dédiée, etc) garantissant à chacun la possibilité de s’exprimer en individuel ou en groupe. En garantissant à tous que chaque proposition serait examinée et qu’une réponse y serait systématiquement apportée, nous avons donné de la crédibilité à la démarche.

De fait nous avons collecté plus de 620 propositions, dont 38% ont été retenues pour fabriquer le nouvel organigramme. On sait que 2/3 des agents ont ainsi participé, assurés de la possibilité de savoir leur parole traitée à l’égal de celle des autres agents.

Ensuite un tableur a été construit, diffusé là aussi auprès des agents, sous l’autorité du Président Cathala bien entendu et en résonnance avec les choix des élus, l’organigramme a pris forme. On arrive donc à un organigramme qui est pour partie l’émanation de la parole des agents et des choix de l’exécutif, éléments essentiels pour que l’organisation soit en adéquation avec la commande politique du Conseil de territoire.

Cette méthode s’illustre parfaitement concernant la création d’une délégation d’appui aux communes du Territoire. GPSEA est le 2ème plus vaste Territoire de la Métropole. Il y avait une attente forte de proximité pour que l’EPT (Etablissement Public Territorial) soit une structure d’accompagnement des communes en leur apportant un soutien technique et d’ingénierie souvent inexistant. De fait la délégation fonctionne en lien avec le territoire, pour aider à la négociation de contrats communaux, ou pour la mise à disposition d’un agent qui serait absent ; comme cela a été demandé par les agents.

Ce qu’il faut ici retenir c’est la convergence entre les propositions des agents et la commande politique, de nature à appuyer fortement la crédibilité et l’efficacité de l’organisation.

Les trajectoires individuelles ont été examinées dans une étape suivante mais il est à noter que la volonté du Président a clairement été qu'un parcours soit trouvé pour chacun dans notre collectivité.

Un autre principe a été de mettre en place un management bienveillant qui permette à chacun d’avoir sa place au sein de la collectivité.

De la même façon la mise en place de l’EPT se situe dans une démarche de co-construction qui doit laisser la place à l’observation et l’agilité. Un observatoire politique et un observatoire administratif ont été créés pour faire de l’EPT une collectivité capable de s’adapter aux réalités changeantes du territoire, d’évaluer ses politiques publiques, d’être véritablement une collectivité apprenante.

Et nous croyons à GPSEA que cette démarche pragmatique permettra de mieux aborder le prochain volet politique que sera la réflexion sur le projet de Territoire, et qui va très vite arriver, la loi ne laissant que deux ans après la création de l’EPT pour le réaliser.

AC : Quel bilan tirez-vous de cette première expérience sur le plan de l'innovation et en termes d'appropriation par les agents de cette nouvelle entité ?

FT : Pour GPSEA, très clairement, il s’agit de faire de cette démarche participative un élément de mobilisation fort au service du projet de territoire qui va voir le jour et de façon évidente de s’inscrire dans un management de la confiance. La difficulté pour chaque direction de faire vivre cette démarche est aussi prise en compte et c’est pour cela qu’une direction de l’innovation du dialogue social et de l’animation managériale a été créée. Parce qu’il faut que les directions se saisissent de ces enjeux à un moment même où les politiques publiques montent en puissance, où les élus sont installés, passent commande et veulent avancer. Oui c’est une période de tension parce que nous vivons une période de télescopage entre la mise en place des politiques publiques et celle de l’organisation participative. C’est le rôle de la Direction générale d’être le facilitateur entre ces tensions.

Pour cela on a favorisé la connaissance et l’échange entre élus et agents lors de la journée de fédération où chaque direction a pu monter un stand pour faire connaître et expliquer ce qu’elle faisait. Décloisonner pour fédérer en quelque sorte. Et cela a très bien fonctionné et a vocation à être pérennisé !

Autre chose, la mise en place d’un "Comité de direction inversé" : chaque semaine, les directeurs échangent pendant une heure avant que la Direction générale n’arrive. Ainsi ce sont les directeurs qui peuvent dire à la direction générale là où un appui est nécessaire.

En fait la Direction générale se doit d’être dans l’impulsion mais aussi dans l’écoute pour apporter les bonnes réponses. Comme pour encourager, par exemple, la mobilité interne avec la mise en place de la Bourse de l’emploi. Là les agents sont appelés à faire état de leur envies de mobilité, de réorientation professionnelle. Bien sûr pour que cela fonctionne, il faut qu’il y ait du volume et il faut donc accepter d’attendre. La date limite fixée cette année  (date où le dépouillement aura lieu) est le 30 novembre et je suis certain que l’on trouvera des convergences entre les souhaits des agents.

Ainsi la nouvelle organisation pourra apparaître comme une opportunité de participer, de porter un projet et de réorienter sa carrière : c’est du gagnant / gagnant !

AC : Ces différents outils du management de la confiance, envisagez-vous de les pérenniser ?

FT : Pour moi on ne perd jamais de temps ni d’argent en investissant sur des temps managériaux. On crée de la valeur ajoutée en matière de service public quand on fait dialoguer les politiques publiques entre elles, quand on ne les développe pas en silo. Le fait d’avoir des organisations décisionnaires, agiles, où les gens se connaissent, se parlent en confiance permet de faire dialoguer différents secteurs de l’administration et donc les politiques publiques.

Par exemple la politique de la ville et la culture ont tout à gagner à travailler ensemble. Pour moi, directeur général, l’enjeu et le défi c’est que l’on puisse s’adapter rapidement à la commande politique. Ainsi dans l’organigramme on peut noter que certaines directions mélangent le fonctionnel et l’opérationnel parce qu’aujourd’hui les projets sont de plus en plus complexes et réclament une appréhension globale. Par exemple, un projet d’aménagement concerne tout autant le transport que la voirie, l’assainissement, le développement durable, etc. La commande politique n’a pas à souffrir des problèmes d’organisation de l’Administration. Chaque DGA doit pouvoir avoir ce double regard pour régler l’apparente contradiction entre le fonctionnel et l’organisationnel.

Je crois que l’EPT est une opportunité unique de construire un modèle nouveau d’Administration, fondé sur le management de la confiance, du décloisonnement et de la transversalité.

Bien entendu chaque EPT dans la MGP a sa propre trajectoire et il y aura sans doute un travail de monographie très intéressant à faire sur ce sujet.

Pour ce qui concerne GPSEA je suis convaincu que cette organisation concertée, souple et agile est le meilleur atout pour aborder les prochaines échéances qui attendent les EPT dans les années à venir...


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