Les régions ont annoncé à tour de rôle une augmentation des prix des transports régionaux : la région Pays de la Loire a annoncé une augmentation de +6% des tarifs, PACA et Nouvelle-Aquitaine de +8% et l’Île-de-France, de +12%. En cause, deux années qui ont affecté ponctuellement mais aussi durablement l’équilibre du financement des transports régionaux, alors que les transports régionaux sont une des solutions incontournables pour réussir le défi climatique. Une région française a fait appel à Alenium Consultants pour régler les différends avec SNCF Voyageurs en raison d’une forte augmentation de la contribution régionale pour le financement des TER pour les années 2020 et 2021.
Comment fonctionne le financement des transports régionaux ? Quelles sont les causes de ce déséquilibre ? Quels leviers d’action mobiliser pour limiter la hausse de la contribution régionale et le prix pour les usagers ?
Les Régions, Autorités Organisatrices de la Mobilité pour les transports régionaux, et SNCF Voyageurs, opérateur ferroviaire, sont liés par des conventions d’exploitation pluriannuelles. Elles définissent la consistance du service public de transport régional de voyageurs, les conditions et modalités juridiques, techniques et financières de mise en œuvre.
Dans ce cadre, les Régions définissent le service public à opérer et la politique tarifaire à déployer. Cela permet à SNCF Voyageurs de modéliser une trajectoire financière des charges et des recettes pour la durée de validité de la convention, qui fait l’objet ensuite d’une négociation avec les Régions. Cette trajectoire permet ainsi à chaque Région d’estimer année après année le montant qu’elle devra verser à SNCF pour couvrir l’écart entre les charges et les recettes. Elle peut être modélisée à une maille de chaque poste (énergie, conduite, accompagnement, maintenance, recettes directes…). En condition normale, la contribution est calculée annuellement selon la formule suivante :
Contribution régionale = Charges – Recettes ± Pénalités et Intéressement
Il est estimé que les recettes des usagers couvrent 20% des charges. Le reste est en majorité couvert par les Régions.
SNCF Voyageurs et les Régions pourront faire évoluer les prévisions de charges et de recettes de la trajectoire financière par voie d’avenant dans le cadre d’une évolution majeure de l’offre ou d’un évènement remettant en question l’équilibre économique du contrat. Cependant, le manque de précision dans la méthodologie de l’estimation financière de chaque poste rend difficile toute contre-expertise rigoureuse de la Région en cas d’activation d’une révision de la trajectoire financière, comme nous le verrons dans cet article.
SNCF Voyageurs émet annuellement un devis pour l’exploitation des transports régionaux sur la base de la trajectoire financière convenue. Celui se décompose en trois parties :
Lors de l’établissement de la facture à la fin de l’exercice, la reprise des montants du devis corrigés par les mécanismes prévus à la convention constituera la facture de la contribution régionale annuelle, notamment modulés en fonction de la réfaction des charges pour l’offre non réalisée, de la qualité de service ou de la qualité de production. Seul le cas d’une forte diminution des recettes justifie de revoir en intégralité le calcul des charges. Autrement, les déséquilibres de financement sont de fait plutôt portés par les Régions.
Cette facture est accompagnée des comptes ARF qui détaillent les montants des postes de charge réels. Ces éléments ne permettent au mieux que de constater des écarts entre la trajectoire et le réalisé, mais ne permettent pas d’analyser plus finement les causes, en l’absence d’unités d’œuvre et coûts unitaires plus fins.
Il arrive que des événements imprévisibles bousculent l’équilibre de la convention comme cela s’est produit sur la période 2020-2022. Des clauses prévues à la convention permettent aux parties de se rencontrer pour la prise en compte des impacts d’événements non prévus lors de la mise en place de la convention, afin de rectifier la trajectoire financière. Ces clauses peuvent être déclenchées notamment pour :
À tout moment, les parties doivent s’alerter mutuellement en cas de déséquilibre à venir et s’accorder sur un plan d’actions visant à limiter l’augmentation de la contribution régionale. Les analyses financières menées dans ce cadre-là ne peuvent être que du ressort de SNCF Voyageurs et sont peu objectivables par les Régions, puisque d’une part l’opérateur n’est pas tenu contractuellement de préciser les hypothèses qu’il prend pour estimer les variations de charges et de recettes, et d’autre part, la Région n’a pas une connaissance de la structure des coûts de chaque poste de charge dans la trajectoire financière.
Lors des grèves de 2019-2020, le plan de transport a été lourdement allégé et n’a apporté que très peu de recettes. Les périodes de confinement ont mis quasi à l’arrêt les circulations ferroviaires, mais les charges fixes qui ont légèrement diminué grâce au chômage partiel, ont néanmoins pesé dans les comptes. Le retour des voyageurs dans les trains a été lent après la fin des confinements et du couvre-feu, et pour cause, l’adoption du télétravail et des réunions en visioconférence ont fait fondre les recettes des trajets domicile-travail et des trajets professionnels. Enfin, la volatilité des prix de l’énergie – du pétrole et du gaz puis de l’électricité – a ajouté une inconnue pour les Régions qui portent l’intégralité de l’impact de l’inflation selon une formule agrégeant les coefficients d’inflation du coût du travail du personnel SNCF, et de l’énergie.
Dès le début de la crise du COVID-19, les parties ont échangé sur des plans d’actions successifs pour limiter l’impact des crises :
Les clauses prévues dans la convention étant activables en raison d’évènements imprévisibles, Alenium Consultants a donc accompagné une Région dans la définition et l’expertise des coûts supplémentaires réellement imputables aux crises COVID et à un éclairage sur un partage équitable des pertes financières entre les Parties.
Dans le cas de cette Région, SNCF Voyageurs a réalisé une proposition de contribution complémentaire venant couvrir les surcoûts liés aux événements survenus sur la période 2020-2022. A l’aide des éléments accompagnant la facture définitive ainsi que des hypothèses communiquées par les deux parties tout au long de la crise sanitaire, nous avons identifié que cette demande de contribution complémentaire était surestimée.
En revanche, les seuls éléments financiers n’ont pas permis de mener une contre-expertise visant à détourer précisément les conséquences des crises sociales, sanitaires et énergétique, ce qui ne permet pas d’assurer avec certitude que la Région a payé le juste coût.
Les Régions disposent actuellement de l’option de renégocier avec SNCF Voyageurs avant le 25 décembre 2023, date qui sonne la fin du monopole de la SNCF, ou se préparer à l’ouverture à la concurrence et établir dans ce cadre des mécanismes contractuels plus justes pour les Régions.
Ainsi, le traitement de la question soulevée dans l’article reste entier pour les années à venir pour maintenir une offre attractive et la développer en limitant l’augmentation de la contribution régionale. Il existe deux principaux enjeux que nous retenons de cette mission :
Alenium Consultants accompagne ses clients pour définir et rendre opérationnels leurs choix stratégiques et accompagner leur transformation en combinant expertise sectorielle et fonctionnelle, innovation managériale et technologique avec l’appui de notre Alenium LAB. Toujours avoir une longueur d’avance : tel est le crédo qui anime Alenium Consultants depuis sa création.
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